Kenneth & Alistair ❝ Mettre les points sur les I ❞

Alistair commençait à fatiguer. Réellement à fatiguer. Cet impur avait décidé de le prendre pour cible pour une raison qu’il ignorait totalement, et ne semblait pas vouloir rendre les armes. Il avait tenté d’en parler à Powell, mais ce dernier n’avait pas apprécié qu’il ait touché à son jouet la première – qu’aurait-il dû faire, exactement ? Laisser l’esclave le poignarder avec son couteau ? Travailler pour Powell devenait de plus en plus difficile. Déjà parce que l’homme était particulièrement exécrable et ne faisait pas partie de ses personnalités favorites. Et puis ensuite à cause de cet ignare d’esclave qui, réellement, mériterait une sévère correction pour simplement oser imposer son existence. Mais, lorsque le garde du corps pénétra dans sa chambre et vit l’état de son lit, c’en fut trop pour lui. D’ordinaire, il gardait son calme, ne se laissait pas atteindre. Il avait vécu tellement pire lors de ses entrainements et tests pour l’Ordre du Phénix, que les vaines tentatives de l’impur pour l’énerver n’avaient servies à rien. Il restait donc calme, ne se laissant pas atteindre par ce sorcier qui ne méritait aucunement de son attention, et faisait comme si de rien n’était. Mais, sérieusement, là, c’en était trop, il avait atteint une limite à ne pas franchir. Il avait eu une journée épuisante au sein de l’Ordre du Phénix, avec des entrainements à n’en plus finir et il avait, simplement, envie d’une bonne nuit de sommeil. Pourquoi était-ce trop demandé ? Alors, qu’importe les représailles que Powell pourrait lui faire, il pourrait le supporter, mais il était bien décidé à ne pas en rester là. Alistair n’était pas un être particulièrement violent. Pour tout dire, il n’utilisait la violence que lorsqu’elle était nécessaire, généralement pour protéger la personne qu’on lui avait assignée. Mais, cette fois-ci, peut-être était-ce lié à son état de fatigue avancé, ou simplement à la lassitude de cette situation, mais il perdit son calme en voyant dans quel état l’impur avait mis son matelas.

D’un pas rageur, il ouvrit la chambre de l’impur en trombes, s’apprêtant déjà à l’attraper par le col, le soulever de terre, puis enfin lui donner la remontrance qu’il méritait. Mais un sourire finit par étirer ses lèvres en voyant l’impur blessé à son bras droit, son seul outil de travail. Ce n’était pas trop tôt, Powell avait enfin décidé de l’éduquer convenablement. Un ricanement moqueur s’échappa à la vue de larmes de rage qui roulaient sur ses joues, et le garde du corps hésita un instant sur la suite des événements. Remuer le couteau dans la plaie ? Partir et demander à un esclave de lui changer son matelas ciselé ? Pour tout dire, Alistair n’avait jamais été dans l’humiliation des esclaves. Il considérait que chacun avait une place à respecter, mais cela n’allait pas plus loin. Il ne faisait pas vraiment attention à leur présence, et ne leur accordait donc pas d’importance. Ce n’était pas à lui d’éduquer des esclaves, de toute façon, mais à leur maître, ou alors à l’orphelinat dont ils faisaient partie. Il pouvait corriger si, vraiment, l’esclave lui manquait de respect, mais cela n’allait pas plus loin. Pourtant, en cet instant, il sentait cette colère continuer à pulser dans ses tempes, et n’avait pas envie d’en rester là. « Powell s’est enfin décidé à te remettre à ta place, impur ? » commença-t-il, un sourire en coin flottant sur ses lèvres. « En même temps, si tu lui fais juste un dixième de ce que tu me fais depuis mon arrivée, je peux aisément le comprendre. » Malgré sa colère, toujours sourde et présente, sa voix restait parfaitement maitrisée cependant. « Quoique … Estime-toi heureux … Certains maîtres t’auraient probablement fait passer de vie à trépas, pour bien moins que ça. » Un nouveau ricanement s’échappa, comme il se souvenait parfaitement de l’ancien sénateur, dont il avait assuré la protection pendant quelques années. Combien d’esclaves avait-il fait tuer, pour un seul mot de travers, déjà ? Il avait arrêté de les compter au bout d’un moment.

Cet esclave lui tapait véritablement sur le système. Alistair n’était pas du genre à perdre son calme, pourtant. D’aussi loin qu’il ne s’en souvienne, il ne l’avait jamais été. Enfant déjà plutôt calme, il l’était resté au fil des années, et très rares avaient été ses colères. Mais, justement, si elles avaient pu être comptées sur les doigts d’une main, elles n’en étaient que plus effrayantes. Parce que le voir perdre son calme naturel était quelque chose de plutôt impressionnant. Et cette colère qui pulsait dans tout son corps, son corps cognant et résonnant jusque dans ses tempes, ce n’était pas des choses auquel l’homme était habitué. « C’est tout ce que je demande. Qu’il me tue enfin. » Le garde du corps haussa un sourcil, avant de rouler doucement des yeux. Il doutait fortement que Powell ne soit trop sévère avec lui, surtout avec l’aperçu qu’il avait pu avoir de sa personnalité. Rien d’autres que quelques coups, ou des mots tranchants à la rigueur. S’il avait été plus sévère, nul doute que cet impur aurait été moins incapable, insolent et irrespectueux envers les êtres qui lui étaient supérieurs. C’était bien les esclaves, ça ! Incapable de réaliser qu’ils avaient de la chance, d’être encore en vie. Incapable de voir qu’ils étaient nourris et logés, simplement pour faire quelques tâches ménagères. Combien de fois Alistair avait-il fait ces corvées, lorsqu’il était enfant ? Faire la cuisine, le ménage, toutes ces choses qu’en tant qu’enfant obéissant à ses parents, il avait fait sans rechigner. Erf, il valait mieux ne pas penser à cette époque de sa vie, surtout avec l’hystérique qui lui servait de mère. Bref, de simples corvées, et en échange, le gite et le couvert. Il y avait pire, quand même, non ? Et bien apparemment non, pour ces êtres inférieurs, c’était trop dur ! Bouh, bouh, bouh. pensa-t-il en roulant des yeux une nouvelle fois. S’il savait à quoi pouvait bien ressembler un entrainement à l’Ordre du Phénix, il en mourrait probablement. Clairement, rien que l’entrainement qu’il avait subi aujourd’hui l’aurait probablement tué, s’il avait ces pulsions suicidaires pour ce « mauvais traitement » qu’il subissait.« Donnez-moi un coup de main, je n’y arrive pas tout seul. » Cette fois-ci, un ricanement moqueur s’échappa, comme sa demande était tellement inappropriée. Et ben voyons, il n’avait que ça à faire de soigner un impur. Il ne vivait que pour ça, d’ailleurs, simplement c’était bien caché au fond de lui ! Nouveau ricanement à cette pensée, puis il secoua lentement la tête de droite à gauche, en signe de dépit. Comment pouvait-il simplement lui demander ça ? Il pensait pourtant s’être montré clair : il n’était pas son ami et n’avait aucune intention de le devenir. Oh non, s’il pouvait souffrir un peu plus encore, il ne s’en porterait que mieux. « Pauvre petit esclave, incapable de supporter quelques coups et mots méchants. » se moqua-t-il en croisant ses bras contre sa poitrine, restant près de la porte, sans bouger. Vraiment, en plus d’être un incapable, il était pathétique au possible. « Trop fier pour mettre fin à ta pathétique petite vie tout seul ? » reprit-il avant de lâcher un autre ricanement moqueur, puis de finalement faire quelques pas en avant, se rapprochant de lui. Il finit par s’accroupir, lui faisant même l’honneur de se mettre à sa hauteur. « Alors dis-moi … Pourquoi est-ce que je te viendrais en aide, hein ? Qu’est-ce qui te dit que je ne vais pas empoigner ton bras pour te faire un peu plus mal encore ? » demanda-t-il, à moitié sérieux, reprenant une voix calme et distante, où aucune once d’émotion ne pouvait s’entendre.

Il savait que, dans cette position, il se mettait à sa hauteur, ce qui rendait bien plus aisé à l’esclave de s’en prendre à lui. Mais, il n’oserait pas, non ? Surtout qu’il lui demandait son aide. A moins que sa fierté soit tellement mal placée et disproportionnée – il n’était qu’un être inférieur, après tout – pour qu’il commette cette attaque à son égard. Ce ne serait ni la première fois, ni probablement la dernière, qu’il n’accomplirait pareille imbécilité.« Etes-vous humain ou n’êtes-vous qu’une machine à mépris ? Vous me détestez, vous m’exécrez et considérez ma vie comme chose négligeable. Je ne suis qu’une merde à vos yeux et je crois l’avoir parfaitement compris : je me demande si vous n’insistez pas autant pour vous convaincre vous-même d’ailleurs. » Il hésita à rire de nouveau, comme l’esclave soupirait, las. Mais il se contenta de rouler une énième fois des yeux. Bien entendu que sa vie était négligeable, il n’était qu’un impur, sa vie n’avait pas de valeur. S’il venait à s’éteindre, alors il serait tout simplement remplacé par un autre – et Alistair espérait que Powell prendrait un modèle mieux éduqué. « Je vais tâcher partout si je ne bande pas cette blessure : Powell sera furieux, il me punira et je vais encore douiller. Vous pourriez m’épargner ça, juste en m’aidant maintenant. Alors le choix vous revient : soit vous m’aidez, soit j’éviterai une punition ce soir. Vous n’avez pas de cœur mais j’espère que vous avez un minimum de morale. » Cette fois-ci, le ricanement s’échappa, comme il secouait la tête de droite à gauche, méprisant. Non, vraiment ? Il pourrait lui épargner une correction de Powell ? Mais pourquoi le ferait-il ? N’était-il pas venu dans sa chambre pour ce même but ? Lui infliger une correction pour les limites qu’il avait franchies ? Or, s’il le corrigeait lui, nul doute que Powell n’apprécierait pas – il lui avait bien fait comprendre que l’esclave était son jouet personnel, et qu’il n’aimait pas partager. Mais l’idée qu’il s’en prendre à lui pour le punir ne lui déplaisait pas, tout à coup. « Te détester ? Ce serait te donner bien plus de valeur que tu n’en as … » répondit-il, toujours aussi calmement, d’une voix trainante. Nouveau ricanement, nouveau roulement d’yeux, comme il posait ses iris sur lui, le regardant en biais. « Tu n’as pas répondu à ma question … Pourquoi diable t’aiderais-je ? Tu as oublié tout ce que tu as fait depuis que je suis arrivé dans cette maison ? » lui demanda-t-il, d’une manière bien rhétorique. Pour être parfaitement honnête, il aimait bien l’idée que l’impur ait besoin de son aide, une simple histoire de contrôle. Il haussa un sourcil intrigué, avant de rouler une énième fois des yeux. « Tout ça pour quoi ? Parce que je ne ressemble pas à ton impur de petit-ami ? Parce que je ne suis pas là pour faire ami-ami avec un esclave ? Non, vraiment … Explique-moi pour quelle raison tu as décidé de t’en prendre à moi ? » Pas que la raison l’intéressait énormément, finalement. Mais il voulait juste savoir jusqu’à quel point sa fierté pouvait être touchée. Ce qu’il était prêt à céder, simplement pour qu’il lui vienne en aide. Son regard toujours posé sur lui, le garde du coup laissa ses lèvres s’étirer dans un sourire en coin, comme il haussait brièvement des épaules. « Non, vraiment … Pourquoi est-ce que je t’aiderais ? Pourquoi je t’éviterais une correction de Powell, hein ? » répéta-t-il, penchant la tête sur le côté, avant de lâcher un énième ricanement moqueur. « C’est pas que j’étais venu dans le but de te corriger moi-même mais … Si, un peu quand même. » Il marqua une courte pause, sans cesser de le regard, sans ciller. Puis il reprit, avec toute la nonchalance dont il était capable. « Donc … Etant donné que j’en ai rien à faire de ce qu’il peut bien t’arriver … Vraiment ? Que peux-tu bien m’apporter, pour que j’en vienne à t’aider ? »

Le garde du corps était véritablement fatigué et las de sa journée particulièrement éreintante, et peut-être était-ce pour cette raison qu’il n’en était que plus véhément avec l’esclave qui s’était donné pour mission de rendre sa vie un véritable enfer sur Terre – non pas qu’il y arrivait réellement, Alistair ayant vécu bien pire auparavant. « Je m’en suis pris à vous parce que vous ne lui arrivez pas à la cheville… et je ne supporte pas son absence. Que le maître l’ait remplacé aussi vite. Qu’il… soit mort. » Alistair retint un soupir las, se demandant pourquoi il lui avait posée cette question, tout à coup. Pour lui faire perdre un peu de sa fierté, certes, mais clairement l’écouter se lamenter sur son pauvre sort ne valait pas la peine d’esquinter sa fierté mal placée. Il faillit répliquer un « Et en quoi est-ce mon problème exactement ? » mais l’impur reprit avant qu’il n’en ait eu le temps. « Rien. Je ne vous apporterai rien, je ne suis que l’esclave rebelle de ce manoir, celui que le maître déteste et celui que tout le monde regarde de travers. Celui qui croit encore qu’il a le droit de vivre une existence décente. » Un nouveau ricanement moqueur s’échappa de ses lèvres pincées, comme il roula des yeux. Mon Dieu ce que cet esclave pouvait être s’apitoyer, c’était pathétique. Il ferait mieux de réaliser qu’ici, au moins, il avait un toit sur la tête, de la nourriture, et un endroit chaud où dormir la nuit. Il ne lui donnerait même pas deux jours à vivre dans la rue. « Partez d’ici. Tout de suite. Je me passerai de votre aide. » reprit-il, lui tirant un claquement de langue contre son palais, agacé. Et revoilà cette fierté mal placée et tellement disproportionnée, qu’il avait cru, un instant, avoir domptée. Cet esclave était tellement pénible, à vouloir se prendre pour un caliméro de première. Que croyait-il ? Que la psychologie inversée avait un quelconque effet sur lui et qu’il s’empresserait de le soigner simplement parce qu’il lui demandait de partir ? Imbécile. Il se leva donc, silencieux, un sourire narquois flottant sur ses lèvres, comme il le voyait se dépatouiller avec son bandage qu’il n’arriverait, de toute évidence, jamais à mettre tout seul. D’une démarche maitrisée, il rejoignit la porte qui l’amènerait au couloir, avant de se stopper. « C’est trop difficile, apparemment, pour un merdeux comme toi, de réussir à mettre sa stupide fierté derrière toi, hein ? » annonça-t-il dans un ricanement moqueur, avant de se retourner, le regardant aisément de haut, comme il le surplombait de sa taille. « Déjà, je ne suis pas de ton rang. Sache que la politesse est la moindre des choses, lorsque l’on demande un service, encore plus à un être supérieur. Peut-être qu’un ‘s’il te plaît’ t’aurait écorché la bouche, mais ça c’est pas mon problème. » reprit-il en le fixant sans ciller, simplement pour apprécier les réactions qu’il pourrait avoir à ses mots. « Ensuite … Je ne demandais pas des suppliques … Simplement … Je sais pas, un petit effort de ton côté … Genre me foutre la paix et faire comme si je n’existais pas, histoire que je puisse mener à bien ma mission sans avoir un insecte qui fait ce bruit désagréable à mon oreille. » lâcha-t-il de sa voix trainante, toujours le quitter des yeux. « Bref … Simplement un petit quelque chose qui ferait que j’ai une once d’envie de te venir en aide. » Il marqua une pause, courte, puis un petit sourire en coin étira ses lèvres, tout à coup, comme il reprenait. « Mais, apparemment, ton cerveau a cruellement besoin de soins, lui aussi, pour te donner les capacités de comprendre des choses pourtant faciles d’accès. » Et puis il attendit. Simplement pour voir si, enfin, l’esclave mettrait sa fierté de côté, ou s’il répliquerait, encore et encore, jusqu’à le lasser et le laisser seul avec son sort.

Il le regarda peiner à tenter de mettre son bandage, et se demanda si l’impur allait reprendre la parole pour enfin mettre sa fierté de côté, ou s’il allait continuer à l’ignorer ainsi, maintenant qu’il lui avait dit de partir. Dans les deux cas, la solution lui convenait. Dans le premier, il serait enfin débarrassé de lui et n’aurait plus à y faire attention. Dans le deuxième, il se prendrait une autre correction de Powell, ce qui n’était pas plus mal, finalement. « Je m’excuse pour mon comportement inapproprié. J’ai… été trop loin. Cela ne se reproduira plus. » Un sourire étira ses lèvres à l’écoute de ses mots. Des excuses … Il n’en demandait pas tant ! Son regard posé sur lui, il se délectait presque de le voir se battre avec lui-même. Ce que cela devait être difficile, pour lui, de mettre sa stupide fierté de côté. « Je ne vous importunerai plus. »Son sourire s’agrandit, à la perspective qu’enfin, il pourrait mener à bien sa mission sans avoir à être déconcentré par cet être insignifiant, qui aimait un peu trop attirer l’attention sur lui. Puis il attendit. Il faillit claquer sa langue contre son palais, tout à coup, lui demandant ironique « Et le mot magique est … » mais il s’en retint finalement, sans savoir pourquoi. Probablement le terme « magique », qui le dérangeait. « S’il vous plaît. » Et ben ! C’était pas trop tôt ! Il le regarda avec un sourire en coin. Alistair lui-même ne se serait pas imaginé presque sadique ainsi, appréciant le voir lutter avec sa propre personne, jusqu’à abandonner et rendre les armes. Mais, tout à coup, il s’en voyait pleinement satisfait. « Et bah voilà … C’est pas si difficile que ça, hein ? » dit-il dans ce même sourire, avant de hausser des épaules, puis de finalement ouvrir la porte, et la refermer derrière lui, comme il partait sans un autre mot.

Il revint quelques minutes plus tard, des compresses et du désinfectant dans une main et, au cas où, un nécessaire à couture – il n’avait pas vraiment trouver mieux que ça. Quitte à le soigner, autant y mettre un peu les formes et lui éviter une stupide infection. S’approchant de lui, il finit par s’accroupir de nouveau, regardant sa plaie un peu plus attentivement. Mouais, il exagérait quand même un peu, ce n’était pas non plus grand chose, ce qu’il avait. Il n’aurait pas besoin de points de suture – c’en était presque dommage, d’ailleurs, il aurait bien aimé apprécier la réaction en le voyant essayer de le recoudre avec un fil et une aiguille. Il imbiba l’une des compresses de désinfectant, avant de reposer le contenant sur le lit, à côté de l’impur. Puis il laissa les minutes passer, silencieusement. « Il ne l'a pas remplacé. » annonça-t-il simplement, brisant ce silence pourtant tellement agréable. « Powell. » précisa-t-il ensuite, lui jetant un bref coup d'œil. « J'ai été assigné à sa protection. Powell a autant choisi que moi. » Il laissa le silence s’installer de nouveau, avant de finalement reprendre, de sa voix toujours posée.« Après je ne suis clairement pas dans la tête de Powell, donc bon, ce qu'il en pense, j'en sais strictement rien. » Un soupir, comme il marquait une pause, se concentrant sur la compresse qu'il posait sur sa plaie. Elle n'était pas très belle à regarder, mais il avait déjà vu bien pire. « Et je m'en fiche totalement. » déclara-t-il finalement, clôturant cette espèce de conversation.

Alistair continuait à appuyer la compresse sur sa plaie, comme ses lèvres bougeaient lentement, laissant sortir ces mots. Il se moquait bien de comment l’esclave se sentait, de ce qu’il ressentait, tout ceci n’était pas important. Il n’était qu’un impur, qu’un être insignifiant, qu’un insecte, comme il le lui avait si bien dit. Mais peut-être qu’au moins il arrêterait de bourdonner à ses oreilles et le laisserait travailler tranquillement. Alistair était beaucoup de choses, mais surtout il était professionnel. Et même s’il ne portait pas vraiment Powell dans son cœur et qu’il se demandait encore pourquoi il avait été assigné à sa sécurité, il comptait bien mener sa mission à bien. Hors de question que quelque chose ne lui arrive, pas sous sa garde. Alors, pour cela, s’il fallait dire quelques paroles rassurantes à un impur pour qu’il lui fiche la paix, ou encore même lui soigner son épaule, il le faisait et s’en fichait pas mal. « Merci. Vous n’étiez pas obligé de le dire, mais j’avais besoin de l’entendre. » Il ignora ses remerciements, il n’y avait pas grand chose à répondre à ça. Non, il se contenta de continuer à soigner cette épaule, de ses gestes précis et maîtrisés, qu’il avait fait des dizaines de fois lorsque, étudiant en médecine, il avait fait à un stage à l’hôpital. Une autre époque, une autre vie, que tout ça. Mais, au moins, cela pouvait toujours être utile à sa mission, alors ce n’était pas plus mal. Il se souvenait que cela lui avait grandement servi auprès du sénateur dont il avait assuré la protection, lorsqu’il s’était fait attaquer. S’il était parvenu à maîtriser rapidement l’assaillant, le sénateur avait tout de même reçu un coup de couteau et Alistair s’était retrouvé à lui faire les premiers soins, en attendant que les secours n’arrivent. Il ne savait pas pourquoi il pensait à ça, tout à coup. Probablement un peu de nostalgie. C’était que, même si son ambition était élevée, il avait bien aimé être au service du sénateur et aurait préféré continuer à l’être, plutôt qu’être « rétrograder » en étant mis à celui de Powell. « J’irai remplacer votre matelas juste après. » Il pressa des sourcils, comme la voix de l’esclave le ramenait à la réalité, et il se contenta de hocher brièvement de la tête, sans répondre. Le silence prit ensuite place dans la petite pièce, comme il continuait de le soigner, puis lui mettait enfin le bandage sur son épaule. Dans un soupir las, il finit par se relever, toujours silencieux, avant de prendre la direction de la porte – il laisserait le soin à l’esclave de nettoyer et ranger compresses et désinfectant, c’était quand même ce à quoi il servait. La porte grande ouverte, il se stoppa, sans pour autant se retourner. « Mon matelas ? » lui rappela-t-il simplement de sa voix posée et distante, presque froide, toujours supérieure en tout cas. Puis il retourna dans sa chambre, attendant que l’esclave ne le rejoigne et fasse le nécessaire pour, qu’enfin, il puisse passer une bonne nuit de sommeil bien méritée.

A peine sa plaie nettoyée et son bandage mis en place, signe qu’il avait terminé de le soigner, Alistair fit comme si l’impur n’existait plus. Il ne lui adressa que deux mots, deux simples petits mots, lui rappelant ce qu’il lui avait promis. Ce n’était pas vraiment comme s’il avait plus à dire, de toute façon, encore moins à ce genre de personnes. Alistair avait été bavard, un jour, il y a bien longtemps. Une petite éternité, si on le lui demandait, tant il ne se reconnaissait plus dans cette autre personne qu’il fut un jour. Mais, oui, plusieurs années auparavant, Alistair parlait, parfois même pour ne rien dire, simplement parce qu’il n’aimait pas les silences parfois gênants. Aujourd’hui, tout était bien différent. Le silence le calmait, l’apaisait. Le silence était agréable. Et, surtout, le silence ne valait pas la peine d’être rompu, surtout en présence de sang souillé. Alors, sans prononcer le moindre mot supplémentaire, sans laisser un son sortir de ses lèvres, il prit la direction de sa chambre, sans même faire attention de si, oui ou non, l’esclave le suivait. C’était probablement le cas, de toute façon, à n’en pas douter. Après tout, il venait tout juste de lui faire une belle fleur, alors que rien ne l’y avait obligé. Encore heureux donc que l’impur veuille lui changer son matelas, matelas qu’il eut lui-même détruit. Il confirma d’ailleurs ses pensées, retirant tant bien que mal le matelas abimé de son lit, avant de l’embarquer, bien que difficilement de son bras non blessé, en dehors de sa chambre. Le garde du corps, comme s’il avait oublié que l’esclave reviendrait – ou qui, plutôt, n’en avait que faire, pour être parfaitement honnête – entreprit de se déshabiller. Il n’avait qu’une envie, qu’une seule, et c’était de dormir. D’enfin passer une bonne nuit de sommeil, qu’il espérait réparateur. Alistair n’avait aucune idée du pourquoi il peinait ainsi à dormir convenablement, mais il avait l’impression que cela faisait des années qu’il n’avait pas eu de sommeil reposant. Ce n’était pas bien important, de toute façon. Il avait appris à être aux aguets, de cette façon. Après avoir retiré sa veste et son haut, qu’il déposa sur la chaise de bureau, il retira mollement ses chaussures, puis son pantalon, se baissant pour le retirer convenablement, occultant totalement la présence de l’impur. Lorsqu’il se retourna pour déposer son pantalon sur la même chaise, son regard croisa celui de l’esclave, qui le détourna aussitôt. Etait-ce des rougissments, qu’il percevait sur ses joues ? Un reniflement dégoûté s’échappa, comme il soupira. Un nouveau soupir, comme il lâcha, d’une voix trainante. « Alors esclave … dis-moi … Ce sont mes cicatrices qui te mettent dans cet état ? Ou simplement le fait d’être pris en flagrant délit de me regarder ? » Il n’y avait pas de colère, dans sa voix. Même pas de lassitude. Il était simplement fatigué, et avait presque l’impression que son oreiller l’appelait, en cet instant. Il marqua une pause, avant de froncer des sourcils. « Bien que je me demande pourquoi tu as posé tes yeux sur moi de premier abord. » reprit-il, roulant des yeux. « Gross. » souffla-t-il en réalisant que son corps était apparemment ce qui mettait l’impur dans cet état de gêne. « Ceci explique probablement les cris que je perçois, lorsque tu entres dans la chambre de ton Maître. » lâcha-t-il, toujours de cette voix trainante, presque doucereuse. D’ordinaire, s’il n’avait pas été si fatigué et las, le dégoût se serait probablement fait entendre, tout comme le jugement. Mais, pas cette fois-ci, non. Si la simple idée le dégoûtait, ce n’était pas ses affaires, de toute façon.

Après ses mots, il ne fit plus vraiment attention à lui, le regardant faire son lit sans vraiment le voir. Sa réaction, il s’en fichait un peu, pour tout dire. Et le silence à présent dans cette piècen dans sa chambre, ne pouvait que lui faire du bien, lui qui l’aimait tant. « Vous avez effectivement un corps très désirable. N’importe qui aurait envie de vous baiser en vous voyant, moi plus que tous les autres puisque je ne suis qu’un être méprisable et sans morale. C’est évident, je suis tellement perverti que je passerai ma nuit à fantasmer en vous imaginer les jambes écartées et gémissant de plaisir comme une pucelle. C’est… tellement évident. » finit-il par lui répondre, brisant le silence, de sa voix froide et tranchante. Le garde du corps resta un moment sans rien dire, se pinçant l’arrête du nez avant de masser ses sinus, fatigué, sentant la migraine commencer à venir. Cet impur semblait bien décidé à l’empêcher de dormir, et maintenant il avait une vague idée du pourquoi. Et le dégoût le prenait, il pouvait même sentir la bile commencer à remonter jusque sa gorge. Une partie de lui espérait que l’esclave partirait sans rien dire d’autre, le laissant tout simplement seul, avant qu’il n’ait eu le temps de répondre. Malgré le dégoût, malgré les paroles acerbes qui ne demandaient qu’à s’échapper, ses yeux se posaient sur ce lit refait qui l’appelait. Mais, non, l’esclave restait là, attendant une réponse apparemment. Que croyait-il ? Qu’il allait répondre à la positive à sa demande ? Un ricanement moqueur s’échappa de ses lèvres, résonnant dans la pièce par sa froideur. « Tu es encore plus répugnant que je le pensais. » lâcha-t-il froidement, même si la colère ne le prenait toujours pas. Non, toujours ce dégoût, cet écoeurement. Pour autant, malgré ce qu’il avait dit, malgré ce désir vil et abject qu’il éprouvait à son égard, le garde du corps hôta son sous-vêtement, n’ayant que faire du regard qu’il pourrait poser sur lui. Attrapant son bas de pyjama, ses yeux se posèrent sur le pas de la porte, remarquant qu’il n’était toujours pas parti. « Tu admires le spectacle ? » reprit-il dans un nouveau ricanement moqueur, avant de renifler dédaigneusement. Cela ne le fit même pas s’empresser d’enfiler son bas, non. Il n’avait jamais été vraiment pudique – ou alors, il ne s’en rappelait pas vraiment. « Donc ton plan était quoi ? De me mettre à bout dans l’espoir d’attirer mon attention ? Dans l’espoir que je veuille te faire taire de mes lèvres ? Que je veuille te toucher, t’empêcher de bouger, de faire le moindre geste ? Parce que j’espère que tu te doutes que moi les jambes écartées et gémissant sous ton corps, c’est pas vraiment quelque chose de réalisable. » Il n’avait même pas vraiment conscience de ce qu’il disait, de ce qu’il pouvait sous-entendre. Pour lui, il n’y avait que le dégoût qui s’émanait, que cette virulence à cette simple idée. Mais, encore une fois, il était tout simplement fatigué et ne rêvait que d’une chose : rejoindre les bras de Morphée, et ne pas s’en échapper jusqu’à ce qu’il ne soit parfaitement reposé. « Mais puisque c’est mon attention que tu sembles désirer tant que ça … Tu ne l’auras plus. Je suis certain qu’en fait, ce serait la pire punition pour toi. De faire comme si tu n’existais pas. Comme si tu étais invisible. » Un soupir, comme il enfilait enfin son bas de pyjama, son regard se déviant pour se poser sur son lit. « Oui, je ne sais même pas pourquoi je n’y ai pas pensé avant. Ça va me faire des vacances, je pense. Considère que ceci est la dernière fois que je t’adresse la parole. A partir de maintenant, tu n’existes plus. » souffla-t-il, comme il s’asseyait sur le rebord de son lit, avant de se masser les tempes, pressant des paupières brièvement.