Kenneth & Alistair ❝ Look down, you'll always be a slave ❞

Alistair installait de nouvelles alarmes, à des points stratégiques du Manoir. Il avait été assigné à la sécurité de Lucian Powell et, s’il n’était pas pleinement satisfait d’être dans cette demeure, il était particulièrement professionnel. Il ne connaissait pas Lucian Powell, pour tout dire, alors peut-être que sa première impression était mauvaise, et qu’il finirait par se plaire ici. Il n’en savait rien et, en soi, cela n’importait que peu. Enfin … Disons quand même que cela importait un minimum. Un garde du corps devait être prêt à donner sa vie pour celle de la personne qu’il protégeait. Autant dire que s’il en venait à détester cette personne, cela deviendrait compliqué de mener sa mission à bien. Mais nul doute qu’il n’en arriverait pas là. Il fallait simplement que Lucian Powell accepte qu’il soit à ses côtés, se fasse à l’idée, et ne se mette pas en travers de son chemin. Probablement un peu beaucoup demander. Seul le temps le lui dira, de toute façon. Il fronça des sourcils en regardant la pièce, et se demanda s’il ne pourrait pas faire appel à une société pour poser des caméras de surveillance. Au moins dans l’entrée. Peut-être à l’entrée de la chambre de Powell, aussi, des fois que quelqu’un ne veuille le tuer dans son sommeil. Il lui en parlerait. Pour le moment, il en avait suffisamment fait pour aujourd’hui, et quelque chose lui disait qu’il valait mieux ne pas pousser Powell trop loin. Qu’il soit là pour sa protection et sa sécurité, ou pas, il n’était pas certain que celui-ci fasse la différence. Il le considérait probablement comme un intrus dans sa demeure, et il allait devoir faire preuve de beaucoup de patience, il le sentait.

Il regarda sa montre, lui indiquant l’heure tardive qu’il était. Il ferait mieux de regagner sa chambre et de profiter d’une bonne nuit de sommeil, s’il voulait être apte le lendemain. Non qu’il ne le serait pas autrement, après tout, il avait été entrainé à être apte avec seulement quelques heures. Mais autant profiter de tout le sommeil qu’il pouvait. Sa première véritable journée en tant que garde du corps de Lucian Powell ne se déroulerait probablement pas sans encombre, il en était persuadé. Dans un soupir, maugréant intérieurement sur ce qu’il avait bien pu faire pour mériter ça, il finit par rentrer dans la chambre qu’on lui avait accordée. Petite chambre, en plus, comme s’il ne valait pas plus qu’un esclave. C’était d’ailleurs probablement celle de l’ancien garde du corps, il n’en savait rien, s’en fichait un peu pour être honnête. La chambre avait le mérite d’être proche de celle de Powell, c’était tout ce qui comptait. Il pressa des paupières en voyant qu’un autre homme était déjà sur son lit, comme il soupira bruyamment avant de claquer sa langue contre son palais, annonçant sa présence. Nouveau soupir, comme ses prunelles se posaient sur l’homme qui se relevait, et il roula des yeux en voyant qu’il s’agissait d’un des esclaves qu’il avait croisés en arrivant. « Dégage, impur. » cracha-t-il presque entre ses dents, comme si le simple fait de lui adresser la parole lui demandait déjà un effort conséquent. Ce qui était le cas, d’ailleurs. Pour Alistair, les sorciers ne méritaient même pas une seconde de son attention, encore moins ses mots. « T’es sourd, en plus d’être une aversion ? » lui demanda-t-il sur le même ton, voyant qu’il ne bougeait toujours pas. L’esclave pouvait au moins avoir le mérite de lui avoir soutiré deux phrases, ce n’était pas clairement pas donné à tout le monde.

Alistair ne savait pas exactement ce qui l’attendait le lendemain, mais il se doutait que Powell ne serait pas une crème avec lui. On lui avait imposé sa personne autant qu’on avait imposé à Alistair qu’il ne le protège, et nul doute qu’il le prenait aussi bien que lui. Mais il ne s’était certainement pas attendu à voir un esclave sur son lit en arrivant dans sa chambre, et aurait grandement apprécié qu’il n’aille déposer sa saleté ailleurs que dans l’endroit où il dormirait pour les prochains mois – voire années, même s’il ne l’espérait pas. Après une remarque acerbe à son encontre – et peu d’impurs ne pouvaient se paver d’avoir un jour le privilège qu’il ne s’adresse à eux ; en dehors de ces années enfantines, bien entendu, mais tout ça n’était qu’un lointain souvenir maintenant, auquel il ne pensait même plus. « Vous n’avez pas honte ? » Il ne retint pas le ricanement moqueur qui s’échappa, résonnant dans la pièce, comme il haussait un sourcil interrogative en posant son regard sur lui. Honte de quoi ? D’où cet esclave pensait-il venir ? Il aurait cru que Powell dresserait mieux ses animaux, pour qu’ils connaissent leur place. Apparemment, il s’était bien trompé.« L’homme qui dormait avant ici avait mille fois plus de valeur que vous et ce n’était qu’un impur lui aussi ! » Nouveau ricanement, comme il roula des yeux. Oui, et il lui disait cela pour … ? En effet, son opinion était tellemeeent importante à sa yeux, qu’il allait aussitôt s’agenouiller devant lui en le suppliant de le pardonner ses vilains mots. Il ne répondit rien, restant calme, comme toujours. S’attendant à ce que l’impur finisse par déguerpir de lui-même de sa chambre, pour qu’il puisse enfin dormir, comme il l’avait prévu. Et le silence s’imposa dans la pièce, comme Alistair détaillait celle-ci de ses iris, avant de se diriger vers le petit bureau et de retirer sa veste en cuir rouge, précieux présent de l’Ordre dont il ne se séparait que rarement, pour la déposer sur la chaise. Relevant les yeux, il remarqua que l’esclave n’avait toujours pas bougé d’un millimètre, et un soupir s’échappa. « Bon, je pense qu’on va devoir mettre les choses au clair rapidement. » commença-t-il dans un nouveau soupir, las d’avance. « De 1. Non, je n’ai pas honte. Aucune raison. Ou alors peut-être honte d’adresser la parole à un être inférieur, ça oui. » Un sourire en coin étira ses lèvres, comme il marqua une courte pause. « De 2. Ton avis d’impur n’a aucune espèce d’importance. Tu n’es qu’un sorcier, tu n’es rien. A peine bon pour nettoyer les restes des personnes qui te sont supérieures. » Sa voix était calme, posée, parfaitement maitrisée. Il n’était pas énervé, pourquoi le serait-il ? Comme il venait si justement de le dire, ce qu’un être inférieur pouvait bien penser de lui ne l’intéressait absolument pas. « De 3. Apparemment, ton impur d’ami ne valait pas grand chose … Ou alors il ne serait pas mort aussi stupidement. » Il lâcha un ricanement moqueur, le jaugeant à peine, avant de rouler des yeux. Pour tout dire, il ne savait pas comme son prédécesseur avait rendu l’âme, et il s’en moquait. La vie d’un impur ne valait pas grand chose à ses yeux, et comme Powell n’avait pas trouvé pertinent de lui en parler, alors c’était qu’elle ne valait pas grand chose aux yeux de l’homme qu’il protégeait. « Maintenant, dégage d’ici. Crois-moi quand je te dis que tu n’as pas envie que je te dégage moi-même. » Un sourire, comme il retirait couteau et arme de service de sa veste puis les posait sur la table, sans faire plus attention à l’esclave présent. Il finirait bien par partir et le laisser dormir, non ?

L’impur sembla touché par ses mots blessants, comme il se relevait d’un bond du lit, s’approchant de lui. La scène lui donnait presque envie de rire. Pensait-il pouvoir être menaçant, alors qu’il le dépassait d’une bonne tête ? Sans même parler de sa carrure, finalement, le simple fait qu’il puisse croire lui inculquer une once de peur était plutôt cocasse. Il avait été entrainé par l’Ordre du Phénix, pendant de nombreux mois, pour prouver qu’il était le meilleur pour le poste. Ce n’était clairement pas pour être intimidé par un être insignifiant. « Vous n’êtes qu’une ordure. » Un rire s’échappa de ses lèvres. Un rire sans joie, sans amusement non plus. Plutôt froid, à son image, probablement. Mon Dieu. N’avait-il pas compris que son opinion sur sa personne était le cadet de ses soucis et qu’il n’y apportait pas une seconde de son attention ? Il n’y avait pas à dire, en plus d’avoir le sang souillé, cet esclave-là était particulièrement stupide. Mais il ne l’aurait pourtant pas cru idiot au point de tenter de voler son couteau, qu’il venait tout juste de poser sur la table. Sérieusement ? Il osait toucher à ses affaires ? Il osait réellement salir son arme de service ? Son geste fut bref et habile, comme il attrapa son poignet entre ses doigts, le serrant fermement pour le forcer à lâcher son arme. De cette même habilité, il le lui tordit d’un geste précis. Il aurait pu le lui casser mais, contrairement à ce que l’on pouvait penser de premier abord, il avait une once de clémence et de pitié. Après tout, son poignet était son outil de travail, et ce serait dommage qu’il ne soit trop abimé. Il avait besoin de quelqu’un pour passer efficacement après lui, après tout. « Tu as fini, maintenant ? » cracha-t-il entre ses dents serrées, sans lui relâcher le poignet pour autant. Etant donné qu’il pourrait toujours le casser d’une seule pression, il valait mieux pour l’impur qu’il lui réponde à la positive, ou il n’hésiterait pas vraiment. « Je ne suis pas là pour t’aider. Je ne suis là que parce qu’on m’a ordonné de veiller à la sécurité de ton maître. » annonça-t-il simplement, calmement, ses yeux le détaillant en biais. « Je ne suis pas là pour t’écouter geindre sur ta vie misérable en tant qu’esclave. Je ne suis pas ton psychologue. » Il marqua une pause, comme il prenait bien soin de laisser le temps à son petit cerveau apparemment fatigué d’encaisser les mots qu’il lui disait. « Je ne suis pas ton ami. Je n’ai aucune intention de le devenir. Comme t’as pu le deviner pendant ces quelques instants de conversation, les sangs souillés ne sont pas vraiment les ‘personnes’, si tant est qu’on puisse les appeler ainsi, que je préfère. Je ne fais pas vraiment ami-ami avec eux. » Nouvelle pause, comme il lâchait un soupir las. « Si tu as besoin de passer tes nerfs sur quelqu’un, je te conseillerais de le faire sur quelqu’un d’autre qu’une personne qui est rémunéré pour se battre en cas d’attaque. » Il haussa un sourcil amusé, avant de rouler des yeux. « Dernier petit conseil … Je dors pratiquement les yeux ouverts, donc n’essaye pas de venir t’en prendre à moi durant la nuit. Ce ne serait que du temps perdu, et tu le finiras par le regretter amèrement. » Parce que si le moindre bruit pouvait le réveiller, autant dire qu’il préférerait largement pouvoir dormir tranquillement, plutôt que d’être agacé par un impur, à la manière d’un insecte qui viendrait voler près de son oreille. Dans un nouveau soupir, il finit par lui lâcher son poignet, non sans y avoir marqué une dernière petite pression, simplement pour apprécier la vision de la grimace qui étirerait ses traits.