Carpe Diem, everyday - Janis & Oliver

Oliver était fatigué, ces derniers temps. Enfin, disons plutôt qu’avec les examens qui venaient de se terminer, il avait un peu trop fait la fête, et qu’il en subissait à présent les conséquences. Bon, la bonne nouvelle dans tout ça, c’était qu’il avait, par on ne savait quel miracle, obtenu son année et passait donc à l’année supérieure. Donc certes il avait un peu trop célébré, mais au moins c’était pour une bonne cause. Pour se féliciter de cette excellente nouvelle donc, le jeune Rosenbach avait eu dans l’idée de s’offrir un nouveau tatouage. Cela faisait un moment qu’il n’était pas allé voir son tatoueur pour qu’il marque sa peau de son art. Au moins deux mois, si ce n’est plus. Et là, il avait une idée de tatouage qui lui trottait dans la tête depuis quelques semaines : écrire sa devise, en latin, sur sa cheville. Il ne savait même pas pourquoi il n’y avait pas pensé avant, tant cela lui paraissait évident à présent qu’il s’agissait du tatouage qu’il lui manquait. Et puis, tout sauf penser à ce qu’il s’était passé cette soirée où, justement, il avait pensé à cette phrase. Non, il valait mieux ne pas penser à ses yeux se posant sur les courbes nues de son cousin, après leur petite soirée jacuzzi. Il ne valait définitivement mieux pas penser aux images qui avaient hantées son sommeil, cette nuit-là non plus. Oh, Oliver se savait gay, depuis plusieurs années maintenant. Il en avait eu quelques doutes en commençant à sortir avec Octavia, sa meilleure amie, mais être en couple avec elle lui avait prouvé, s’il en avait eu besoin, qu’il n’était définitivement pas attiré par la gent féminine. Non pas que beaucoup de personnes soient au courant. D’ailleurs, à l’exception de la dite meilleure amie, personne ne l’était, comme ça, c’était réglé.

Bref, s’occuper l’esprit. Voilà pourquoi il avait appelé son tatoueur, avant de tomber sur sa messagerie, apprenant qu’il était en vacances. Après un long soupir, il avait fini par regarder sur internet les différents salons de tatouage, puis avait pris la route en voyant qu’un nouveau avait ouvert il n’y a pas si longtemps. Oui, tester un nouveau tatoueur pourrait être bien. Il avait un peu testé tous les autres, en même temps, et à l’exception de son habituel, well … disons que ce n’était pas ses tatouages préférés, ceux qu’ils lui avaient faits. « Bonjour, tu es ? » entendit-il une voix féminine lui dire, une fois qu’il pénétrait à l’intérieur du salon. « Entre, j'ai fait du thé si tu veux. » lui proposa-t-elle, comme il regardait les lieux. Wait … Etait-ce un salon de tatouage ou un salon de thé ? Il se racla un peu la gorge, avant de finalement répondre. « Bonjour ! Oliver. Et toi ? » lui retourna-t-il la question, avant de reprendre. « Je veux bien merci. » accepta-t-il, comme il se passait une main dans les cheveux. Une nouvelle pause pour lui permettre de détailler un peu plus les lieux – et les tatouages de la jeune femme – et il réalisait que, oui, c’était bien un salon de tatouage. Sinon il n’y aurait pas le matériel, dans le fond là-bas. Bref, un salon tenu par une … femme. Oui, pourquoi pas après tout ? Il n’avait rien à perdre. Et puis, il voulait simplement une phrase après tout, pas le truc le plus complexe de l’univers non plus. « J’ai trouvé le salon sur internet. Tu as ouvert quand ? » finit-il par lui demander, par curiosité principalement – et peut-être aussi pour savoir depuis combien de temps elle exerçait ce métier, aussi, juste au cas où …

On ne pouvait pas dire qu’Oliver était machiste. Ou sexiste. Ou n’importe quel autre mot finissant en –iste. Quoique, exhibitionniste, il pouvait l’être, parfois, en fonction du nombre d’alcool qu’il aurait ingéré dans une soirée. Mais là n’était pas le sujet. Bref, il n’était pas machiste, il n’était pas sexiste. Il était du genre à penser que la femme valait l’homme, qu’ils étaient égaux, et tout ce bla-bla-bla des féministes qui militaient. Mais, là, il s’agissait de tatouages. Et, okay, c’était peut-être un peu con – cela l’était probablement, même, il fallait bien avouer – mais il se demandait si une femme faisait aussi bien les tatouages qu’un homme, tout à coup. Il ne s’était jamais posé la question auparavant. Mais, auparavant, il n’avait jamais rencontré une tatoueuse. Donc, okay, il n’était pas sexiste, il n’était pas machiste … mais – et il se sentit instantanément con pour se mais, se disant qu’il ne valait pas mieux que ceux disant  « je n’ai rien contre les sorciers, mais … » qu’il considérait instantanément comme des racistes xénophobes, doublé de connards qui mériteraient des coups de pieds bien placés pour éviter qu’ils ne se reproduisent – il ne pouvait s’empêcher de ressentir une pointe d’appréhension, à l’idée de se faire tatouer par une femme. «  J'ai ouvert celui là il y a pas très longtemps... Un peu moins d'un mois je crois. » lui répondit-elle, comme il s’asseyait en face d’elle, regardant son thé d’un regard suspicieux. Un mois … Elle n’était tatoueuse que depuis un mois ? Mais … N’allait-elle pas le charcuter ? «  Avant ça j'ai tenu un salon en Jamaïque pendant quelques années. » reprit-elle, comme si elle pouvait percevoir son inquiétude. Ah. Okay. Il acquiesça de la tête dans une petite moue perplexe, avant de se passer une main nerveuse dans les cheveux. « C’est cool ! » répondit-il dans un petit sourire forcé, avant de continuer à visiter le salon de ses yeux. Le truc avec Oliver, c’était qu’il n’était jamais très à l’aise avec les femmes. Il y avait bien sa meilleure amie, Octavia, avec qui il s’entendait à la perfection – lorsqu’ils n’essayaient pas de s’entretuer, cela va sans dire – et surtout avec qui il pouvait parler pendant des heures. Sinon, à part elle … Il s’entendait bien mieux avec les mecs, en fait. Même d’un point de vue attirance physique, c’était les hommes qui le remportaient. Merde. Peut-être était-il véritablement machiste. Ou sexiste. Ou tous les autres mots en –iste. «  Donc, tu viens pour quel genre de tatouage ? Vas-y exposes tout. » finit-elle par lui demander, en lui tendant des feuilles et des crayons. Ah, il était supposé dessiner or something ? Car, vraiment, il était terriblement mauvais en dessin. Il avait essayé de dessiner un cheval, quand il était gamin et que c’était un peu la mode d’essayer d’en faire. Well, son cheval n’avait ressemblé à rien du tout, et il avait rapidement abandonné. Ah ! Mais il ne voulait pas de dessin, en fait ! Donc qu’importe qu’il sache dessiner ou pas. Il lui prit le crayon, avant d’écrire – d’une écriture pas très raffinée, malheureusement – sa nouvelle idée. « Donc, la maxime de ma famille c’est after all, we are alive » commença-t-il à lui expliquer, avant de marquer une courte pause, réfléchissant. « Et je me suis toujours dit que ma devise personnelle, c’était on n’a qu’une vie, autant la vivre pleinement. Et bref, l’autre soir j’étais pas mal bourré, et je me suis dit que ce serait cool de le tatouer sur ma cheville. Mais en latin, ça fait plus classe. Donc Tantum habet vitam vivunt eamque. T’en penses quoi ? » finit-il dans un sourire, beaucoup plus à l’aise et souriant.